A NOSTRA STORIA
Au début était la paix.
Avec des pierres les hommes du mégalithique inventaient leurs premiers
abris et sculptaient d'étranges dieux à Filitosa et ailleurs
en Corse.
Mais les îles sereines attisent la convoitise des envahisseurs. Et vingt
fois au cours des siècles l'île de Corse sera prise d'assaut
par des conquérants venus de tous les horizons. Le plus souvent ils
susciteront la haine et la révolte, contraignant ce peuple de bergers
pacifiques à prendre les armes et résister.
Il faut attendre le milieu du XVIIIe siècle pour qu'après une
succession d'aventures héroïques, la Corse connaisse les plus
émouvantes pages de son histoire.
En 1732 au couvent d'Orezza une cunsulta de patriotes proclame l'indépendance
de l'île de Corse. Ghjacintu Paoli rédige un projet de constitution
dont le préambule décrète pour la première fois
dans l'histoire de l'humanité: "Les hommes naissent libres et
égaux en droit". Une phrase prémonitoire qui, un demi-siècle
plus tard, sera reprise par tous les révolutionnaires du monde.
Le destin est en marche.
Le 14 Juillet 1755, Pasquale Paoli est élu général des
Corses. A la cunsulta naziunale de Saint Antoine de Casabianda la Corse devient
nation.
Le jeune chef d'état parviendra à réaliser la difficile
unité du peuple, dote sa patrie d'une exemplaire constitution démocratique,
qui institue la séparation des pouvoirs et le vote des femmes, relance
l'économie agraire, fait frapper monnaie, fonde à Corté,
devenue capitale de la Corse, une université et fait administrer une
justice égale pour tous, 32 ans avant la première constitution
américaine, 34 ans avant la révolution française de 1789.
Partout dans le monde cette fantastique expérience politique et sociale
suscite l'admiration. Les philosophes et tous les esprits éclairés
du siècle des Lumières saluent en Pasquale Paoli le précurseur
de la démocratie. En France Voltaire après Jean Jacques Rousseau
lui tressent des louanges et prédisent l'universalisation de son œuvre.
En Angleterre, en Russie et en Hollande les penseurs et les hommes de science
donnent en exemple l'île de la Justice, l'île de Corse.
C'est alors, en 1767, que Louis XV achète à la République
de Gènes une prétendue suzeraineté sur la Corse et décide
de mettre au pas ce peuple frondeur. Pour abattre Paoli et sa petite République,
la monarchie française constitue et dirige vers l'île un corps
expéditionnaire de 40000 hommes et le 8 Mai dans les flots du Golu
à Ponte Novu la Corse est défaite, conquise, dans une farouche
résistance elle le demeurera.
Malgré cette conquête suivie de l'exil de Paoli en Angleterre,
sa pensée intacte va servir de détonateur à d'autres
révolutions dans le monde. En 1787 les insurgeants américains
offrent à leur nouvelle nation une constitution qui ressemble étrangement
à celle de la Corse. La filiation des deux lois fondamentales est aujourd'hui
historiquement prouvée. En 1789, et par contrecoup, les révolutionnaires
français rédigeront la déclaration des Droits de l'homme
et du Citoyen.
Aujourd'hui encore aux Etats Unis on se souvient du rôle de Paoli, l'inspirateur
incontesté des fils de la Liberté et sept villes américaines
portent les noms de Paoli, Corsica, Monticellu, Corsicana... à sa mémoire.
Chez nous il n'en est pas de même, si cette mémoire là
n'a pas de place dans les très officiels livres d'histoire elle est
pourtant de ces vérités que l'on doit aux hommes, aux peuples,
à leurs luttes, à leurs souffrances et leurs espoirs.